Je fus, ô mon Dieu, cet arbre stérile...
JE fus, ô mon Dieu, cet arbre stérile
Dans mes jeunes ans
Avec quel mépris parle l’Évangile
De cet impuissant
Et votre bonté dut être profonde
Pour me préserver
Car votre intendant au cours de ses rondes
Devait me noter.
Mais vous qui sondez dans votre justice
Les reins et les cœurs
Vous sondez aussi la sève qui glisse
Sous l’aubier en fleurs.
Au soir de mes ans je présente aux hommes
Qui en ont besoin
À chaque septembre un panier de pommes
Un panier tout plein.
Ce ne sont pas fruits de haute lignée
Orgueil d’un dressoir
Mais leur chair est saine et s’est parfumée
Des odeurs du soir.
Et ces fruits poussés en terre wallonne
Sont pour vous, Seigneur,
On les a cueillis au soleil d’automne
Un jour de tiédeur.
Jules GILLE, Panier de pommes,
Éditions des Artistes, 1961.