On la voit chaque jour
ON la voit chaque jour figure altière
En route dès le grand matin
Vers la grille du cimetière
Qui va frapper les tombes de sa main.
Quand elle a réuni son troupeau d’ombres
Pour le paître sur les chemins
On l’aperçoit qui le dénombre
Bergère étrange aux douceurs du matin
Et les morts qui sont morts de tant d’années
Retrouvent les mêmes sentiers
Les mêmes roches éboulées
Au même endroit où griffait l’églantier.
Quand le soir se profile elle rassemble
Son grand troupeau silencieux
Et de sa baguette qui tremble
Le reconduit vers les palais pierreux.
Le berger du hameau la tient pour folle
Qui songerait à la payer ?
Que ferait-elle d’une obole
Quand elle attend sa part d’éternité ?
Jules GILLE, Panier de pommes,
Éditions des Artistes, 1961.