Magnificat

 

 

Je ne puis plus cacher la grandeur de ma joie ;

Pour mon ressentiment, c’est trop peu qu’on la voie

                  Paraître dans mes yeux ;

Il faut que mon discours en donne connaissance

Et qu’on adore en moi la gloire et la puissance

                  Du Monarque des cieux.

 

Lui qui n’est que beauté, que force et que lumière,

A daigné m’élever d’une obscure poussière

                  Au rang où je me vois ;

Et mon humilité lui plaît de telle sorte,

Qu’il préfère mon sein au trône qui le porte

                  Et veut naître de moi :

 

C’est pour ce cher enfant que le monde soupire,

C’est par ce cher enfant que d’un commun martyre

                  Les rigueurs finiront,

Et c’est pour cet enfant, qui doit naître sans père,

Que les hommes captifs, sortant de leur misère,

                  Sans fin me béniront.

 

Il est juste, il est saint, et les cœurs qui le craignent

Reçoivent tous les jours, aussitôt qu’ils se plaignent

                  Leur salut de ses mains ;

Un soupir amoureux lui fait quitter les armes,

Et le feu de son ire est éteint par les larmes

                  Que versent les humains.

 

À qui tout défaillait il donne toutes choses.

Les épines vont croître où fleurissaient les roses,

                  Tout va changer de lois :

La peur se va glisser dans les cœurs les plus braves,

Les princes orgueilleux vont devenir esclaves,

                  Et les esclaves, rois.

 

Israël, ne crains plus, ta misère est finie ;

Tu ne languiras plus dessous la tyrannie

                  Du péché triomphant.

Désormais à tes vœux rien ne fait plus d’obstacle,

Et si tu veux savoir qui produit ce miracle,

                  C’est la main d’un enfant.

 

 

 

Antoine GODEAU.

 

Recueilli dans Notre-Dame des Poètes,

Anthologie réunie et présentée par Joseph BARBIER,

Robert Morel Éditeur.

 

 

 

 

 

 

 

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