Prière de l’amour déçu
Dis-moi, Seigneur, par quelle allée
Ma très belle s’en est allée
Vers le Silence ;
Dans quelle nuit – noire ? étoilée –
Tremblent le lys et l’azalée
De son silence.
Je sais qu’elle n’existait pas,
Que sa naissance et son trépas,
Et sa misère,
Et sa tendresse et ses appas
Sont les reflets – le vol, les pas –
De ma grandeur, de ma misère.
Dis-moi, Seigneur, quelle agonie
A mis à nu cette vernie
Miséricorde ;
Sur quels cailloux l’humble harmonie
Cherche à genoux ton infinie
Miséricorde.
Je sais que son joyeux " toujours ",
Sa nonchalance et son amour,
Ses doux mensonges,
N’étaient que l’ombre, tour à tour,
De la Colombe et du Vautour
– De mon amour, de mes mensonges.
Combien de nuits, combien d’années
Le vieux parfum des fleurs fanées
Retint mon âme
Au carrefour des destinées
Où tant d’âmes abandonnées
Me fendaient l’âme ?
Mais c’était Toi mon seul désir,
Toi, mon espoir, et mon plaisir,
Et ma souffrance,
Toi, sur l’oiseau, sur le zéphyr,
Toi, sur ma crainte de mourir,
Toi, surtout quand mon repentir
Faisait, comme un gong, retentir
Le souvenir de Ta souffrance.
Armand GODOY.
Extrait de Bréviaire, Grasset.