Les premières neiges
Qui donne aux pauvres, prête à Dieu.
I.
Nos toits sont couronnés de neige,
L’autan mugit, – le ciel est bleu !
Pendant que la tempête assiège
Le pauvre que rien ne protège,
Enfants, gardez le coin du feu !
Voici la saison des alarmés,
Voici l’heure du désespoir !
Combien, parmi nous, chaque soir,
Attendent, en versant des larmes,
Un vêtement et du pain noir !
C’est le sombre hiver qui remplace
L’automne à qui tout dit adieu ;
Puisque sa voix hurle et menace,
Au foyer, enfants, faites place
Aux petits oiseaux du bon Dieu.
Hélas ! leur couchette est bien dure,
Le grain de mil n’est plus aux champs !
Aussi, voyez ! plus rien des chants
Qui nous charmaient sous la verdure,
Plus rien ! que les chasseurs méchants !
Ô vous, qui vivez dans l’orgie,
Oubliez-vous donc que souvent
Un pauvre enfant s’en va, pleurant,
Tendre une main, de froid rougie,
Pour son vieux père, hélas ! mourant ?
Ne savez-vous pas que, dans l’ombre,
Un homme que la faim poursuit,
Arme son bras, et va, la nuit,
Le cœur en feu, le regard sombre,
Frapper le voyageur qui fuit ?
II.
Ah ! bien heureux celui qui donne.
Celui qui donne à pleine main,
Au pauvre que tout abandonne,
Et qui n’a pas de lendemain.
Enfants, demandez à vos mères,
En souriant, demandez-leur,
Un vêtement pour le malheur,
Un petit sou pour nos misères.
Demandez pour l’humble orphelin,
Demandez pour celui qui pleure,
Pour la famille sans demeure,
Pour le vieillard à son déclin.
Les pauvres sont deux fois nos frères !
Enfants, ne les oubliez pas,
Et puis souvent portez vos pas
Et vos bienfaits vers leurs chaumières.
Celui qui voit tout, le verra,
Allez, anges à têtes blondes,
Secourir des douleurs profondes,
Et le Seigneur vous le rendra !
Léon GONTIER.
Paru dans La Muse des familles en 1858.