Évasion
La première clarté du matin
comme une caresse sur les cheveux
promesse des délivrances :
un grain nouveau a germé – sous les soleils de rêves
– cette nuit blanche.
Quel ange pour mol seul
joue de la trompette
et ces ailes impatientes – qui battent dans inca poumons ?
Ainsi – rupture des maléfices –
un doigt tendre effleura mon front
mes épaules
et laisse sur ma chair
des croix fraîches
comme l’eau bénite des soirs d’hiver.
Des chiens aboient aux bruits de ferraille,
casseurs d’aube,
et j’ai dans la gorge heureuse
mille cris de jeune chien.
Un glas trop matinal me libère des angoisses
et l’amnésie en robe claire – lèche mon crâne
de sa langue très pure.
Pourquoi le long du cœur l’escargot du remords, – mélancolique ?
*
Et puis ?
je partirai sur mon aigle blond,
les deux pieds sur sa tête,
tenant d’une main le fil
que me jette l’ange gardien,
et j’émietterai des mots,
des gestes de danse
sur les sinueuses métallurgies.
Mais mon aigle est automate imparfait.
Le ressort tiendra-t-Il ? et le fil de mon ange
sera-t-il complice fraternel,
telle la corde amicale berce le sec pendu ?
Œil éclos au coin du vitrail,
je vois des milliers de tabernacles
et sous la protection des saints
une neige d’hosties s’évade.
Glaciale noyade
le souffle impur filtre de mon corps – exorcisme.
Je sens le futur
qui me jette
à la face
mon corps d’enfant,
ces dents naïves qu’énerve ma langue,
baptême qui déjoue l’hostilité des chambres étrangères.
C’est alors qu’un enfant me tendit un miroir :
j’y vis – retour du vitrail – des yeux innombrables
tels des océans calmes
et des lèvres pâles comme pétries de pétales morts confièrent :
on peut recommencer toute la vie.
L’enfant déjà fuyait,
barbe postiche que le faux patriarche
lança dans le vent du soir.
Une alouette blanche
monte monte.
– MONTE.
Élie GOTHCHAUX.
Paru dans le Roseau d’or en 1928.