Mère Marie de Saint Joseph
La nation n’est plus dont les brunes fillettes
Venaient jouer aux grains de votre chapelet
Et dont les guerriers, vers vous, pauvre nonnette,
Savaient courber le front en signe de respect.
La tempête a brisé l’arbre dont le feuillage
Couvrait avec amour le banc où, chaque soir,
Pour amuser vos sœurs de vos gais babillages,
En un froufrou très doux vous veniez vous asseoir.
La chapelle n’est plus où dans l’ombre discrète,
Tant de fois, à genoux au pied du crucifix,
Comme victime à Dieu vous vous êtes offerte
Afin que du danger, Il sauvât le pays.
Les flammes ont détruit cet humble monastère
Où vous fûtes l’amie et l’ange et le soutien
De la noble Ursuline et de la veuve austère
Qui pour l’amour du Maître, aimèrent leur prochain.
Les ans ont effacé les choses et les êtres
Qui vous ont vue aimer, travailler et souffrir
Et même l’écolière ignore encor, peut-être,
Que votre nom est un nom que l’on doit bénir.
Et celui qui s’attarde à la lumière blonde
De la lampe, penché sur les vieux manuscrits,
Se demande pourquoi, chaque jour plus profondes,
S’accumulent sur vous les ombres de l’oubli.
Car, puisque vous avez été l’une des pierres
Sur lesquelles l’on a bâti pour le Seigneur,
Pourquoi dormez-vous donc sous les ronces amères
Alors que le laurier fleurit partout ailleurs ?...
Et fleur à peine éclose et par le froid surprise
Avant que le soleil n’ait pu la ciseler,
Votre image esquissée, en l’oubli s’imprécise,
Sans que le souvenir ait su la mieux graver...
Paul GOUIN,
Médailles anciennes, 1927.