Nocturne
Les érables découpent sur le velours sombre de la nuit une voûte gothique, ouvrée de délicates arabesques.
Une lune rousse monte dans le ciel criblé d’étoiles.
Nous percevons le proche clapotis des vagues qui, sur un mode mineur, murmurent une cantilène.
À l’extrémité du quai, le phare balaie l’onde d’un pinceau de lumière.
La nuit est lourde du parfum capiteux des lis et des roses.
Une mare d’eau gît au creux des galets... une petite étoile se penche au bord du ciel et s’y mire : le lac minuscule, devenu bijou, enchâsse une étoile d’or.
Des feux verts et rouges se croisent : les caboteurs et les goélettes sillonnent le fleuve. Une cloche tinte, un commandement bref se répercute de vague en vague.
La lune effleure la cime indécise des arbres.
Belle nuit d’été, chef-d’œuvre du Créateur, verse en nos âmes cette paix sereine qui nous fait oublier les peines de la vie et le factice de la civilisation moderne.
Un Ave monte de nos cœurs vers l’Étoile de la mer, Stella Maris.
Un paquebot, illuminé de la proue à la poupe, remonte le fleuve. Il brise le flot, telle une pièce de soie qu’on déchire.
Ourlées d’écume d’argent, les lames se déploient en éventail, courent, se cabrent et retombent sur la rive avec fracas.
Nuit d’été, nuit de rêve, nuit de beauté !...
Élie GOULET, La cantilène des heures,
Librairie canadienne, s. d.