Saints de Bretagne
Comme du Christ, tous les enfants s’approchent d’eux
Et l’air qui les entoure est plein de chants joyeux.
Ils désarment le bras terrible qui foudroie,
Et le loup pour leur plaire abandonne sa proie.
S’il sait que le Démon tourmente un pauvre corps
Saint Ronan, sans prendre un bâton, le met dehors.
Saint Gwenolé voit des cités aériennes,
Où meurent les échos des misères anciennes.
De son bras et des plis de sa robe de lin
Saint Yves couvre encor la veuve et l’orphelin.
Près de ces deux patrons, tutélaire milice,
La Bretagne a des Saints ivres de sacrifice,
Donatien, Rogatien, martyrs dont le sang pur
Monte, comme un encens fraternel, vers l’azur.
Tous, humbles pèlerins, seigneurs de belle mine
Marchent sous l’étendard où rayonne l’hermine.
Au seuil du paradis, sous son nimbe éclatant,
Notre Dame d’Auray, Sainte Anne, les attend.
Quand le Breton au grand voyage se dispose,
Il invoque ses Saints, tous bons à quelque chose.
Obtenant de chacun grâce, indulgence ou don
Il s’en va confiant vers son dernier pardon.
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Bons Saints qui protégez les bois et la montagne,
Votre terre choisie est celle de Bretagne.
Experts à conjurer les malheurs et les maux,
Vous êtes les patrons de tous les animaux.
Les bœufs lèvent sur vous de longs regards humides
Et de vos douces mains les moutons sont avides.
Sans y même laisser la trace d’un baiser,
Sur vos tètes on voit les oiseaux se poser.
À leurs frères surtout les Saints sont secourables
Et leurs premiers élus sont les plus misérables.
Pour l’humble, la fragile et pauvre humanité
Coulent incessamment leurs trésors de bonté.
Comme la foi brille en leurs âmes ingénues,
Ils sont initiés aux choses inconnues,
Et le Maître divin refait en leur faveur
Les miracles issus de l’ancienne ferveur :
L’aveugle voit, le sourd entend, le boiteux marche
Sur un signe du moine, un mot du patriarche.
Olivier de GOURCUFF.
Paru dans Le Spectateur catholique en juillet 1897.