Chants du soir
À Monsieur Alix Moussé.
Lorsque Phébus paraît, en dorant nos montagnes,
Quitter à tout jamais nos cités et nos champs ;
Que, tapie en les blés de nos vertes campagnes,
La gentille alouette a cessé tous ses chants ;
Lorsque les verts coteaux, l’étroit sentier des bois,
Sont par la nuit cachés dans l’ombre vaporeuse ;
Que les gais rossignols font entendre leurs voix,
Et que se montre au ciel l’étoile lumineuse ;
Lorsque les sons joyeux de la cloche argentine
Invitent au repos le pauvre laboureur,
Que l’air tout imprégné des parfums d’églantine
Apporte avec la brise une douce senteur ;
Lorsqu’au disque d’argent de l’éclat le plus pur
La reine de la nuit brille sur la vallée,
Que, bercés mollement sous l’horizon d’azur,
Tous les petits oiseaux dorment dans la feuillée ;
Alors je parle au vent, au ruisseau qui murmure,
Aux astres radieux, aux gais chantres du soir,
Aux fleurs, au doux zéphyr qui berce la ramure,
Et leur dis mon bonheur, mes craintes, mon espoir.
Des murmures divins répondent à ma voix,
En de bien doux pensers s’en va ma rêverie ;
Et cette heure bénie est une heure de foi,
Qui m’élève vers Dieu,... pensant à ma Patrie.
Émile-J. GOUVERNEUR.
Paru dans Poésie, 11e volume
de l’Académie des muses santones, 1888.