Excelsior !
Depuis le jour divin où de sa main puissante
L’Éternel fit sortir l’univers du chaos,
Souffle sacré d’un Dieu, la pensée éclatante,
Comme un bel astre à la lumière éblouissante,
Brille sur des mondes nouveaux.
Sur l’ombre qui l’entoure ainsi qu’une chimère,
L’homme a tenté souvent de jeter la clarté ;
Et depuis six mille ans que l’homme est sur la terre,
Il espère toujours, et pourtant le mystère
Doit durer une éternité.
Il semble l’ignorer et toujours sa pensée
De l’abîme éternel sonde la profondeur ;
Parfois quelques éclairs déchirant la nuée
Ont entr’ouvert le voile où dormait, enfermée,
La grande âme du Créateur.
Mais le voile est debout malgré ses déchirures :
Derrière, avec l’épée, est un ange de feu ;
Son glaive étincelant fait de larges blessures.
Et frappe sans pitié les fières créatures
Qui tentent de deviner Dieu.
Deviner Dieu ! telle est de l’homme l’espérance,
Rêve profond et grand fait dans une heure d’or.
Deviner Dieu ! mais c’est le bonheur, la souffrance,
C’est la nuit, c’est le jour, c’est le bruit, le silence,
C’est la vie, hélas ! c’est la mort.
Deviner Dieu ! caprice, illusion, folie,
Rêve entrevu parfois et toujours caressé,
Deviner Dieu, pour l’homme est le but de la vie
Sans cesse une ambition par une autre est suivie,
Un désir par l’autre effacé.
Et l’homme prend son vol où son souffle l’entraîne,
Vers le temple des cieux recélant son trésor.
Sans jamais se lasser du destin qui l’emmène :
« Plus haut ! plus haut ! dit-il à la pensée humaine,
« Excelsior ! excelsior ! »
Et quand Dieu, mécontent d’un progrès qui le lasse,
De notre audace enfin arrêtera l’essor,
Quand les mondes brisés rouleront dans l’espace,
On entendra ces mots comme un souffle qui passe :
« Excelsior ! excelsior ! »
Joseph-Émile GOUZET.
Recueilli dans Poésies de l’Académie
des muses santones, 11e volume, 1888.