Promenade

 

 

Dans les coins retirés de nos villes anciennes,

Les soirs de lune, et de silence et de langueur,

J’aime à voir sur le seuil des femmes qui sont miennes

Par la clarté de leur âme toute en candeur.

 

Sans parler ni bouger, les yeux sur les étoiles

Il leur faudrait encor pour être d’un moustoir

Les robes seulement, les guimpes et les voiles,

Car c’est vers l’Au-delà que vogue leur espoir.

 

Elles n’ont point connu les bruits de la famille

Ni les plaisirs d’aller, dimanche, à deux au bois,

Et leur face a gardé de la petite fille

L’innocence et la grâce avec quelques émois.

 

Elles sont tout le jour d’expertes dentellières

Tissant de leurs doigts longs des nappes pour l’autel,

Tissus plus blancs et plus dévots que leurs prières

Que leur lèvre en encens tourne vers l’Éternel.

 

– Le soir est bleu, le vent est lent, le ciel fluide.

Les reflets blancs des nuits tranchent sur le pavé,

Et dans l’air, l’âme entend, la musique languide

Du silence des nuits récitant des Ave.

 

Et toutes s’enivrant de mystique harmonie

S’élèvent dans les loins des dernières hauteurs,

Où leur âme emportée avec Lui communie

De l’espèce clarté des divines douleurs.

 

Ô femmes d’un autre âge, en cette ville vieille,

Où tout est de simplesse et de jadis vêtu,

Demeurez nous encor, pour apprendre, – ô merveille !

Aux hommes de nos temps ce qui fut la vertu.

 

 

 

Charles GOVAERT.

 

Paru dans La Flandre littéraire, artistique et mondaine en 1897.

 

 

 

 

 

 

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