L’ermitage
I
Lorsque Dieu vêtira d’une blanche toison
Les monts méditatifs qui paissent les nuages,
Quand les brebis auront reflué des pacages
Et les bergers transis déserté l’horizon,
J’endosserai ma cape et clorai ma maison,
Car je sais au milieu des pinèdes sauvages
Un ermitage rude entre les ermitages
Où je boirai l’azur de la froide saison.
C’est un vallon paré d’une grâce sévère.
Dans le blason du ciel s’écartèle un calvaire
De sable sur le champ sinople des forêts.
Au cœur des pins chantant parmi la tramontane
Des glaçons sont nichés comme des guis sacrés.
Et l’ombre de la Croix s’étend sur la cabane.
II
Je partirai. Je gravirai le chemin dur.
Je marcherai pieux parmi la cyprière,
Et mes pas cadencés seront une prière,
Et mes yeux éblouis cilleront sous l’azur.
Devant moi la Cerdagne élèvera son mur.
J’y monterai. Je franchirai la fondrière
De la Têt, où la neige, éclatante ouvrière,
Tissera des torrents pour le Printemps futur.
La montagne pour moi s’ouvrira comme un temple.
Je la contemplerai comme un prêtre contemple
Le ciboire et l’hostie en approchant l’autel.
Car je veux en tirer, comme d’un tabernacle,
Sur la nappe roidie et mystique du gel,
Le vin d’un sacrifice et le pain d’un miracle.
Pierre GRACY, Guirlande pour saint François d’Assise, 1929.
Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,
poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,
Bruges, Librairie de l’Œuvre Saint-Charles, 1937.