Crépuscule

 

 

Sur la crête des monts le soir est rose encore,

Mais de frêles brouillards ont flotté sur les champs ;

Les oiseaux fatigués s’assemblent, et leur chants

Se tairont dans les bois muets jusqu’à l’aurore.

 

Derrière les coteaux glisse le doux soleil ;

Je sens autour de moi monter la nuit glacée ;

Comme s’enfuit des cieux profonds le soir vermeil,

Le bonheur à son tour s’en va de ma pensée !

 

Souvent le crépuscule est comme un deuil pour moi,

Je tremble, inconscient, comme l’herbe frissonne,

Et lorsque je m’en vais devant moi, sans personne,

L’isolement du soir me cause un vague effroi.

 

Mes espoirs alanguis sont frappés d’agonie

Et la chute du jour me parle du néant,

Et la nuit qui s’approche est un gouffre béant

D’où me vient la terreur d’une angoisse infinie.

 

Un Angélus mourant au loin dans un clocher

Me semble un glas funèbre autant qu’une prière ;

Le soleil bienfaisant qui vient de se coucher

Me retire ma vie en cachant sa lumière.

 

Tous mes bonheurs perdus m’apparaissent alors

Dans un passé confus fait de brume profonde ;

Mon vouloir abattu renonce à ses efforts,

Ne voyant qu’un mirage en la beauté du monde.

 

Ah ! ton âme est bien faible et ton cœur bien peu sûr,

Homme gonflé d’orgueil et d’espérances vaines,

S’il te suffit d’un soir plus triste et plus obscur

Pour sentir que ton sang est plus froid dans tes veines !

 

Délicat et frileux comme une fleur d’été,

N’es-tu donc tout entier qu’une frêle apparence,

Une forme éphémère où vibre la souffrance

Et qui périt au seuil de l’immortalité ?

 

Mon cœur avait dit : « Non ! » Ma raison dit : « Peut-être. »

Et lorsque je suis seul parmi les champs déserts,

Que j’ai vu le soleil généreux disparaître,

Je me trouve perdu dans l’énorme univers !

 

Sur le bord des chemins, je m’arrête et j’écoute,

Je sonde vainement des horizons plus noirs,

Et je sens la froideur désolante du doute

Pénétrer en moi-même avec le froid des soirs.

 

Beaux soleils regrettés à la lumière enfuie,

Pénombre des vallons, silence obscur des bois,

Ah ! vous savez combien l’on peut mourir de fois

Sans quitter la douleur et sans quitter la vie !

 

 

 

Charles GRANDMOUGIN, De la Terre aux Étoiles.

 

 

 

 

 

 

 

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