À ma sœur

 

 

Oh ! joins tes mains, tes blanches mains !

Recommande à Dieu nos demains

               Dans ta prière.

Notre passé fut si mauvais !

Enferme-le, si tu pouvais,

               Dans un suaire.

 

Entends-tu gronder tout là-bas,

Avec un horrible fracas,

               Le vent d’orage ?

Nos deux âmes tremblent de peur.

Joins tes mains : demande au Seigneur

               Force et courage.

 

Comme un pauvre petit oiseau

Ou comme un fragile roseau

               Sous la tempête,

Battus par les tentations

Nous frémissons et nous plions

               Bien bas la tête.

 

Il faut pour ravir sa vertu

À notre cœur tout abattu

               Bien peu de chose.

Oh ! prie, enfant, petite sœur,

Dont la voix a tant de douceur ;

               Pour moi, je n’ose.

 

Pourrais-je tourner vers les cieux

Mes yeux flétris, mes pauvres yeux,

               Remplis de larmes

Parce qu’ils ont souvent, hélas !

Aux viles choses d’ici-bas

               Trouvé des charmes ?

 

Pourrais-je joindre avec ferveur,

Pour les tendre vers le Seigneur

               Mes mains perdues,

Mes mains qui tant de fois, pour rien,

Vers le mal ou le moindre bien

               Se sont tendues ?

 

Et mes pieds, mes pieds qui souvent

Ont, poussés par le mauvais vent,

               Ô sœur chérie,

Foulé tant de mauvais chemins !...

Oh ! joins tes mains, tes blanches mains,

               Soupire et prie !

 

 

 

Abbé F. GRAVIER.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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