En approchant de toi...
EN approchant de moi la pluie des lèvres saintes de ta bouche qui fit éclore l’Univers, ouvre la porte de mon entendement, afin que tu me guérisses de la morsure du serpent de calomnie, de ruse et de traîtrise.
De ta main de Puissance tiens le mobile instrument de ma parole et donne-lui force de voix, ô Toi qui accordes à toutes créatures le don du langage, afin qu’ayant appris à articuler ce qui convient, je n’aie point la témérité de parler comme notre ancêtre, et que ton espérance ne m’abandonne pas et que le Chasseur impie ne me réduise pas à brutalité.
Me tendant ta droite vivifiante, illumine encore les yeux de mon âme obscure, afin que, la torche hardie ayant été soufflée par le Dragon, je ne me terre pas sous le boisseau.
Ôte mes crimes, Seigneur, et précipite-les au fond de la mer – infime reflet de ta grandeur absolue – afin qu’y soit noyée mon impiété.
Dresse le signe de la Confiance en mon âme de ruines, afin que la stèle du Désespoir ne s’y pose et ne soient révélés mes péchés secrets. Ouvre, Dieu de Puissance et de Miséricorde, ton sublime Livre de Guérison, pour que la faulx de ta volonté tranche à leurs racines les ivraies qu’au secret de mon cœur le Perditeur cultive. Ô Dieu de nous tous, en désir de te joindre, à l’image de Pierre, j’ai marché sur les vagues maléfiques de la mer, mais j’ai coulé. Approche-toi de moi, qui suis ébranlé, tends-moi ta droite secourable.
Du profond de mon cœur je t’implore avec la voix de la Cananéenne. De ta table surabondante en aliments de vie donne quelques miettes au chien maigre et glapissant. Toi qui vins pour une rencontre salutaire, sauve-moi, afin que, fils de l’amertume, je devienne une pierre de ton Autel.
Car tiennes sont la Grandeur, la Victoire et la Puissance et tu es seul Guérison et Pardon, Restauration et Félicité.
GRÉGOIRE DE NAREK, Le livre des lamentations.
Recueilli dans Choix de poèmes arméniens,
par Garabed Yacoubien et Garabed Poladian,
Liban, 1980.
Traduction de Luc-André Marcel et Garabed Poladian.