Effusion
Sans doute le destin de l’homme est le meilleur,
Et, jadis, j’ai souffert de ne pouvoir le vivre ;
Mais ma chair désormais, plus tendre, pleur à pleur,
De sa faiblesse même, heureuse enfin, s’enivre.
Il est doux de trembler auprès d’un cœur viril,
Qui rit à sa conquête, et grave la protège,
Prince d’amour, venu vers notre tour d’exil
Avec un jeune essaim d’espoirs dans son cortège.
Il est doux de plier sous la main qui nous presse,
D’avouer, dans la fièvre et l’étreinte, son cœur...
Ô volupté de fondre en sanglots, sa tendresse,
Les deux bras enroulés sur le cou du vainqueur !
Et cette grave joie est mienne désormais,
Moisson de sûr bonheur pour mon âme en révolte,
Et qui, loin des saisons de l’amour, blasphémait,
Ignorant en avril la prochaine récolte.
Ah ! l’amour dans la vie est l’unique oasis,
Et qui vaut que pour elle on traverse les sables !
Ô fraîcheur des palmiers ! Ô premiers fruits saisis,
Dont les sucs savoureux semblent intarissables !
Languide après-midi ! parfums d’âme et de vent !
Long repos côte à côte en la tiédeur des mousses ;
Langoureux infini des voluptés rêvant
Parmi le chant nacré des sources aux voix douces.
C’est ici que la femme a la meilleure part :
Elle attend que l’on baisse à sa hauteur la branche.
Mais le beau fruit cueilli, s’il n’est goûté que tard,
Pèsera mieux son or mûri dans la main blanche.
La femme donne plus, et c’est sa sainteté !
Et, c’est pourquoi, depuis que s’exalte en mon âme
La divine douceur d’être toute bonté,
Je me bénie de vivre un simple sort de femme !
Harlette HAYEM-GREGH.