Invocation

 

 

Ô mon enfant ! Ô toi qui vis en moi peut-être,

Incertain, et si vague, et déjà mon enfant !

Ma tendresse, tremblante et grave, te défend,

Et veut n’avoir vécu que pour te voir paraître…

 

J’ai senti dans ma chair, à son tour asservie,

Deux races susciter le grand miracle humain ;

Le joug délicieux, et neuf à chaque hymen,

M’a révélé le sens et l’ordre de la vie.

 

Je fais l’acte divin de créer, je suis femme,

Tout l’avenir du monde est dans mes flancs meurtris ;

Ô mon enfant, en toi les destins sont inscrits,

Le fruit des temps nouveaux est en fleur dans ton âme !

 

Moi je ne sais encor que mon amour précoce,

Qui te suit dans la nuit et les feux du matin.

Épiant s’il se forge aux chantiers du destin

Des actes de beauté dédiés à ta force.

 

Je ne sais si tes doigts sauront filer la laine,

Ou soutenir un front par le rêve alourdi,

Cher enfant, ni dans l’or du foyer attiédi

Quel espoir hantera ton cœur, ou quelle peine.

 

Qu’importe, peine ou joie, inépuisable sève,

Mon amour maternel te sera dévoué :

Si, quelque jour, le sort hasardeux t’a joué,

Je t’aimerai pour ceux qui tromperont ton rêve.

 

Cher enfant, je t'évoque en des temps que j'ignore,

Mais, quel que soit l'aspect où mon songe te voit,

Toujours plus fermement je me dévoue à toi,

Et toujours davantage, et davantage encore...

 

Et, d’une âme instinctive, et seconde à seconde,

Comme mon grand amour lui-même, ô mon enfant !

Je t’aime, avec un cœur profond et triomphant,

Ainsi que Dieu d’avance aurait aimé le monde !

 

 

 

Harlette HAYEM-GREGH.

 

 

 

 

 

 

 

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