Prière
Mon Dieu, qui m’avez mis sur cette sombre terre
Où déjà je vieillis,
Vous seul pourriez emplir ce cœur trop solitaire
Dont les lys sont cueillis.
Mais je ne puis Vous croire autant que je Vous aime.
Tout me paraît impur
De ce qu’on dit de Vous, mon Dieu, tout Vous blasphème.
Autre nom de l’azur.
Et pourtant, après l’âge où la jeunesse couvre
L’univers de son feu,
Vivre aboutit à Vous, et tout horizon s’ouvre
Sur votre abîme bleu.
On ne peut se passer de Vous, suprême Cause,
Par qui rien n’est néant,
Vous qui, nacrant le cœur de la plus humble rose,
Balancez l’océan.
On ne peut se passer de Vous, Raison de vivre,
Loi des cieux, sang des mers ;
Et même en Vous niant, Vous nommer nous enivre
Comme ces vins amers.
Mais quand, par les chauds jours d’été, sous les étoiles,
Aux bois dorés et doux,
Dans quelque église où l’orgue émouvait jusqu’aux moelles,
Quand j’ai crié vers Vous,
Écoutant à travers l’immense espace, avide,
Si votre verbe naît,
Je n’ai rien entendu, mon Dieu, que, dans le vide,
Mon cri qui revenait.
Fernand GREGH
Extrait de La Gloire du cœur, Flammarion.