Le vieillard et l’enfant
Près d’un enfant, triste et rêveur,
Un bon vieillard, le front morose,
De l’espérance à peine éclose
Aimait à voir la tendre fleur.
Puis, d’une main faible et tremblante,
Il le berçait à son réveil ;
Pour l’inviter au doux sommeil,
Sa voix était si caressante !
« Dors bien, mon ange, dors encor ;
« Plus lard, tu connaîtras ce monde !...
« Je veux bercer ta tête blonde,
« Je veux bercer tes rêves d’or...
« De ton sommeil le doux murmure
« Vient caresser mes cheveux blancs,
« Et près de. toi de mes vieux ans
« Je sens moins la chaîne si dure.
« Tu nais, et moi, vieillard, je meurs...
« Je termine mon long voyage...
« Mais la mort est douce à mon âge !...
« La tombe cause tant de pleurs !!!
« Tu verras, tu verras, mon ange,
« Si Dieu te prête de longs jours,
« Que les moments heureux sont courts,
« Que le destin jamais ne change !...
« Adolescent, sur ton chemin,
« Loin des beaux jours de ton enfance,
« Misère, pauvreté, souffrance,
« Diront : Secourez-moi, j’ai faim.
« Ô mon enfant, que Dieu te donne
« Le doux pouvoir de soulager !
« Il est si beau de protéger
« Ceux que le bonheur abandonne !...
« Tu vis, toi, mais tu vis heureux...
« Les baisers de ta jeune mère,
« Donnés souvent sur ta paupière,
« Font chaque jour fermer tes yeux.
« Mon bel enfant, combien j’envie
« Ton cœur si vrai, ton cœur si pur,
« Car des méchants le souffle impur
« N’a pas flétri ta jeune vie !... »
Et le vieillard, sur cet enfant,
Reposant sa tête aussi blanche
Que le lis dont la fleur se penche,
Lui redisait en le berçant :
« Plus tard, tu connaîtras ce monde !
« Dors bien, mon ange, dors encor...
« Je veux bercer ta tête blonde,
« Je veux bercer tes rêves d’or..... »
Ernest GRIFFONI.
Paru dans La Muse des familles en 1858.