Dans les siècles des siècles
Quand l’aigu tisonnier les fouille et les harcelle,
De noirs débris, avec un joyeux ronflement,
Le feu subtil éclate, et fait brutalement
Craquer le dur charbon sous l’ardente étincelle.
Rayon du clair soleil, jaillis de ta prison !
Ce ténébreux monceau de houille qui t’enferme,
C’est l’arbre d’autrefois qui, radieux et ferme,
Tendait son front vivace au dieu de l’horizon.
C’est du sol primitif la géante fougère,
Forte ainsi que la vie à son commencement,
Et qui du soleil, roi d’un vierge firmament,
Fixa dans ses tissus la flamme passagère.
Et des siècles nombreux, ô plante ! ton trésor
Rendit l’ombre impuissante et les injures vaines ;
Et le globe muet, dans ses obscures veines,
Pendant bien des mille ans cacha ton rayon d’or...
L’univers a vieilli pendant son long sommeil ;
Mais, dans les restes morts, il vivait comme une âme !
Rayon tombé du ciel, il y remonte flamme,
Et, d’un bond lumineux, s’en retourne au soleil.
– Sous la matière abjecte et les impurs décombres,
Avilie, étouffant dans ton obscur milieu,
Âme, rayon tombé de la splendeur de Dieu,
Tu gardes du soleil éternel dans les ombres.
Va ! ne crains ni le temps, ni son choc meurtrier ;
N’auras-tu pas toujours, à la clarté fidèle,
Pour monter au divin, la pensée immortelle
Qui, d’un bond lumineux, peut t’y rapatrier ?
Jean GRISELIN.
Paru dans L’Année des poètes en 1892.