Dans l’aube de décembre
Aube d’hiver, jour pâle, ô matin de décembre,
Spectres qui m’assiégez,
Pas des morts qui glissez sur les tapis des chambres,
Comme aux champs enneigés,
Voix des lointains perdus, retour des jours sans nombre
Et des blêmes saisons,
Ô présence muette implacable des ombres,
Ô deuil des horizons !
Vous ne couvrirez point pourtant d’un dur silence
Ce printemps de lumière et de simplicité
Où s’épanouissait le songe de l’enfance,
Où le ciel s’ouvrait, pur, sur la blanche cité...
Car j’ai vu resurgir la lumière voilée,
J’ai vu le cœur élu bondir comme autrefois
Et scintiller l’étoile un moment exilée
Au faite de mon toit.
Et j’ai vu la saison des parfums et des rêves
Refleurir sous l’azur comme un miracle blanc,
Avec ses visions de voiliers et de grèves
Et le souffle étonné de ses premiers élans !
Ah puisque tout est là, fraîcheur, grâce et tendresse,
Et que rien n’a péri,
Et puisque le regard des premières promesses
A de nouveau souri,
Puissé-je, même au bord des aurores éteintes
Et des cieux sans espoir,
Entendre la rumeur d’un angélus qui tinte
Par delà les champs noirs...
Et puissé-je accueillir dans la voix qui console
L’oubli de ma misère et l’oubli du péché,
Comme on cueille le miel des hautes paraboles
À l’ombre d’un clocher !
Que j’attende de toi, jeunesse encor vivante,
D’autres chuchotements que des secrets de deuil,
Et puisse ta sandale, émue et vigilante,
Se poser blanche et neuve aux marches de mon seuil !
Pierre GROSCLAUDE.
Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.