Emmanuel

 

 

Calme-toi, sois tranquille et sans crainte et t’apaise :

N’aie pas peur de ces deux bouts de tisons fumants.

Aram et Éphraïm ont résolu ta perte :

« Montons à l’assaut de Juda, effrayons-le

Puis établissons-y pour roi le Tabelide. »

Cela ne tiendra pas, cela n’aura pas lieu,

Car qu’est-ce que Damas, capitale d’Aram

Et qu’est-ce que Retsin, le prince de Damas ?

Qu’est-ce que Samarie, la ville d’Éphraïm

Et que son roi Phacée, le fils de Romélie ?

Mais vous ne tiendrez, vous, qu’en vous tenant à moi.

 

Le Seigneur me fit dire encore à Achaz : « Demande donc pour toi un signe à l’Éternel, soit dans les profondeurs de l’abîme, soit dans les suprêmes altitudes. » Achaz répondit : « Je ne mettrai pas Dieu au défi. »

 

N’est-il pas suffisant de fatiguer les hommes,

Ah ! maison de David, que vous fatiguiez Dieu ?

Voici que le Seigneur donne lui-même un signe :

 

La jeune femme enceinte enfantera un fils

Qu’elle pourra nommer DIEU-EST-NÔTRE, Emmanuel,

Car avant que l’enfant voie le mal et le bien

Les pays dont vous aviez peur seront ruinés.

 

Mais Dieu envoie sur ta dynastie et ton peuple

Des jours tels qu’il ne s’en était plus rencontrés

Depuis la scission d’Éphraïm et de Juda.

 

Ce jour-là l’Éternel sifflera les moustiques

Des deltas égyptiens et les guêpes d’Assour

Qu’ils s’abattent ensemble en vos étroits ravins,

Sur vos champs, vos buissons, dans les creux des rochers.

 

Ce jour-là l’Éternel louera le grand rasoir

D’au-delà de l’Euphrate et vous viendra raser

La barbe, les cheveux et le poil d’entre-jambes.

Ce jour-là chacun des rescapés gardera

Sa vache et deux brebis pour vivre au moins de lait.

 

Ce jour-là la vigne aux mille ceps sera friche,

On la traversera armé d’arcs et de flèches.

Les riches coteaux seront des maquis d’épines.

On n’ira plus bêcher sur la colline arable,

On y laissera piétiner bœufs et moutons.

 

Le Seigneur me dit : « Prends une grande tablette pour écrire en caractères lisibles PROCHE-PILLAGE, devant des témoins fidèles, Zacharie et le prêtre Urie. »

 

Je m’approchai de la prophétesse ; elle conçut et enfanta un fils. Le Seigneur me dit : « Appelle-le PROCHE-PILLAGE car avant que ce garçon sache dire MON PÈRE, MA MÈRE, on portera les richesses de Damas et le butin de Samarie devant le roi d’Assour. »

 

Si ce peuple a dédain des eaux de Siloé

Qui vont paisiblement et qu’il tremble devant

Le fils de Romélie, le Seigneur contre vous

Fera monter les eaux en tumulte du Fleuve,

Sortir l’Euphrate de son lit, franchir ses berges,

Inonder Juda, vous submerger jusqu’au cou,

Se ruer comme un torrent. Ses ailes déployées

Couvriront l’étendue de ton sol, Emmanuel.

 

Mais sachez-le, nations, vous serez écrasées.

Et vous, peuples lointains qui prenez vos épées

Vous serez écrasés. Oui prenez vos épées

Vous serez écrasés. Vos projets sont brisés

Et vos ordres sont sans effet car DIEU EST NÔTRE.

 

Le Seigneur m’a parlé quand sa main m’a saisi

Pour me détourner du chemin que suit ce peuple :

« N’appelle pas complot, ne crains pas ce qu’ils craignent. »

Car c’est de Dieu seul qu’il faut craindre les complots.

Pierre d’achoppement et rocher de scandale,

C’est Lui qui fait tomber les trônes d’Israël ;

Et pour Jérusalem il est piège et filet.

Ô combien y seront capturés et brisés !

 

J’enfouis au cœur de mes disciples ces décrets ;

Je scelle au fond de leur cœur cette apocalypse

Et j’attends l’Éternel qui cache son visage.

Nous voici, moi et les enfants qu’Il m’a donnés,

Signes pour Israël et présages de Dieu.

 

Et quand on vous dira de consulter les morts,

D’interroger les marmonnements des devins :

« Bien sûr un peuple doit s’instruire chez ses dieux

Et se renseigner chez les morts pour les vivants ! »

 

Mais il n’est plus d’aurore, on erre dans les champs,

Affamé, tourmenté de haine et de blasphème,

Torturé de détresse, accablé de ténèbres.

 

 

 

Jean GROSJEAN.

 

Recueilli dans Notre-Dame des poètes,

anthologie réunie et présentée par Joseph Barbier

(Robert Morel éditeur, 1966).

 

 

 

 

 

 

 

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