Ôté de l’arbre...

 

 

 

Ôté de l’arbre, plus pâle entre le feu des plaies que le ciel hiémal, plus fauve de visage que les feuilles d’octobre et toute la nervure du corps à nu, il est déposé dans la tombe.

 

Il est évacué de cet espace que visitent les ténèbres d’en haut, enfoncé à la hâte, plus mou que l’humus, plus dense que les roches, dans les ténèbres d’en bas avec les bêtes péries et les objets brisés.

 

Or, vacille la basse lueur d’un soir que dévore la nuit et dont j’entends craquer l’os frêle.

 

Jadis l’été du dieu, l’ostension de son ardente face dans la hauteur. Les sentes ferventes jetaient à poignées au ciel les pétales de papillons. La rivière courait chanteuse sous l’aérienne ombre des trembles. Comme s’est dispersée ta lumière !

 

Tu dors sans doute sous un saule dont respirent les branchies blanches. Courons surprendre ta sieste exténuée, eh ! tu nous parleras. Tu blêmis, tu t’éveilles sous l’envers des choses.

 

La nuit sabbatique grelotte en sa toison de brume. Quelques momies de feuilles toussent au souvenir des ramages. Mon âme dorlote dans ses branches mortes les restes pendants d’un nid.

 

En proie à ton poids, tu t’es absenté avec un masque étonné à jamais plus que sévère, nous laissant au remugle des lentes vaches et des filles douceâtres.

 

L’aveugle Hadès berce en son sein sans borne toutes les tentatives reconfondues. Tel est l’envers du dieu, son silence de songe insondable, la grande patience des charniers.

 

 

 

Jean GROSJEAN, Apocalypse, 1962.

 

 

 

 

 

 

 

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