Soir
Le jour vif est parti. Le drapeau de la nuit
Hisse haut les étoiles. Les hommes troupes lasses
Quittent champs et travaux. Où bêtes et oiseaux,
La solitude en deuil. Combien de temps perdu !
Le port n’est plus si loin de la barque des membres.
Tu as vu la lumière : d’ici quelques années,
Je, tu, tout ce qu’on a, tout ce qu’on voit – enfuis !
Cette vie m’apparaît semblable à une course.
Grand Dieu, empêche-moi de glisser sur la piste,
Douleur splendeur angoisse et joie de me distraire !
Que ton éclat toujours limpide m’accompagne,
Quand mon corps s’assoupit, fais que mon âme veille,
Et quand le dernier jour avec moi fera soir,
De la vallée ténèbre arrache-moi vers toi.
Andreas GRYPHIUS.
Recueilli dans Anthologie bilingue
de la poésie allemande,
Gallimard, 1993.