Solitude
Dans le plus que désert de cette solitude,
Couché dans l’herbe vague, près de la mer moussue,
Je contemple ce val et ces hauteurs de rocs
Où nichent les hiboux et les oiseaux sans voix.
Ici, loin des palais, loin des jeux de la foule,
Je songe : comme l’homme en buée se dissipe,
Comme sur l’inconstant notre espoir est bâti,
Comme tôt nous saluent ceux qui tard nous insultent.
L’antre, la forêt rauque, le crâne mort, la pierre
Que dévore le temps, les ossements rongés,
Projettent dans l’esprit d’innombrables pensées.
Le vieux gravois des murs et cette terre vaine
Sont féconde beauté pour moi qui ai saisi
Que tout, sans un esprit que Dieu maintient, vacille.
Andreas GRYPHIUS.
Recueilli dans Anthologie bilingue
de la poésie allemande,
Gallimard, 1993.