Humilité de Jésus
VOTRE apôtre a dit de vous, ô Seigneur, que, de toute éternité, « vous subsistiez dans la forme de Dieu », Fils du Père, égal à lui en sainteté et associé à sa gloire. Cependant, vous n’avez pas considéré cette « égalité avec Dieu » comme un larcin que le voleur retient jalousement, mais avec magnanimité, vous vous êtes « anéanti vous-même. Vous avez pris la forme d’esclave, vous êtes apparu sous la forme humaine et vous avez été trouvé dans tous vos actes semblable aux hommes. Vous vous êtes humilié vous-même, obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix ». Vous avez suivi les hommes jusque dans leur éloignement de Dieu. Votre humilité est descendue jusqu’aux profondeurs de la déréliction et nous a ramenés au foyer paternel. C’est pourquoi aussi « Dieu vous a exalté et vous a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom qui est le vôtre, tout genou fléchisse et que toute langue confesse que vous, Jésus-Christ, êtes le Seigneur ».
C’est pourquoi, moi aussi, ô Seigneur, je fléchis les genoux au nom qui est le vôtre et je confesse que vous êtes le Seigneur, le Rédempteur qui apporte le salut.
Le péché est aveuglement : je vous prie donc, mon Rédempteur, de me libérer de la duperie de l’orgueil. Apprenez-moi à voir qui je suis et qui vous êtes. Touchez mon cœur pour qu’il ait le sentiment de ce que vous avez accompli.
En ces heures, ô Seigneur, où vous avez renversé notre destinée, vous étiez dans une complète solitude. Personne n’était près de vous pour vous comprendre et vous aimer. Vous avez porté seul notre faute devant la justice de Dieu. Mais désormais vous nous avez accueillis dans votre rédemption. Je vous prie de faire que je vous connaisse et que je sois auprès de vous avec mon amour. Amen.
Romano GUARDINI,
Prières, Bloud & Gay, 1952.
Traduit de l’allemand
par Jeanne Ancelet-Hustache.