L’office de la prière
MON Seigneur et mon Dieu, vous êtes le Vivant qui pénétrez tout de votre réalité et de votre puissance. Les formes des choses sont des figures de votre gloire et ce qui advient parle de votre action. Mais nos yeux sont voilés et ne voient pas ce qui luit à travers les apparences, et nos oreilles n’entendent pas la voix qui parle de vous. Vous êtes celui qui existe véritablement, partout présent, et où que nous soyons, nous sommes devant vous ; mais notre cœur est appesanti et n’éprouve que rarement votre sainte présence.
Et ainsi il nous est souvent pénible, ô Seigneur, de demeurer en prière devant vous. Trop souvent notre regard se perd dans l’obscurité et ne trouve pas de lieu où il puisse reposer. Trop souvent nous parlons sans trouver d’écho et nous ne percevons pas de réponse. Et lorsque nous nous détachons des choses qui nous pressent afin de nous mettre en votre présence, nous sommes la plupart du temps dans le vide. Alors ce que nous faisons nous paraît dénué de sens et nous éprouvons le désir de retourner aux objets familiers.
Mais vous, ô Seigneur, vous nous enseignez à nous méfier de ces sentiments. Il ne faut pas que la prière veuille être l’expression de nos besoins, mais bien l’office sacré dont nous sommes redevables à votre honneur et qui est nécessaire à notre âme.
Je vous prie donc de m’enseigner à accomplir cet office dans la fidélité. Je veux me présenter devant vous et demeurer là, même lorsque je pense que je suis seul. Je veux m’adresser à vous et croire que ma parole trouve votre cœur, même lorsque rien ne semble répondre.
Je veux supporter l’effort de la prière tout le temps qu’il vous plaira – mais ne le faites pas durer trop longtemps. Donnez-moi l’expérience de votre présence. La révélation parle de votre face qui luit au-dessus de nous ; montrez-la-moi, ô Seigneur, cette face sainte, afin que je sache à qui je parle. Je crois que vous m’aimez : faites que je sente votre cœur proche et que je trouve un refuge dans votre amour. Amen.
Romano GUARDINI,
Prières, Bloud & Gay, 1952.
Traduit de l’allemand
par Jeanne Ancelet-Hustache.