Le Père et le Fils
DANS les siècles de la grâce et de la patience, vous vous êtes révélé, ô mon Dieu, par la parole de vos prophètes : comme le Vivant, le Saint, le Créateur et le Seigneur qui mène parmi les hommes une histoire mystérieuse et appelle chacun selon ce qu’il en a décidé. Mais le mystère le plus intime de votre vie est demeuré caché. C’est seulement « lorsque les temps furent accomplis » que vous avez « mis votre clarté dans nos cœurs pour faire rayonner la connaissance de votre gloire qui resplendit sur la face de Jésus-Christ ».
« Personne, Père, ne vous a jamais vu ; seul le Fils unique qui reposait sur votre cœur nous a apporté ce message. » Il était votre révélation vivante et « celui qui le voyait vous voyait ».
Personne n’a connu le Fils qui « était au commencement en vous » et à qui « appartient tout ce qui est à vous ». Mais vous nous l’avez envoyé pour qu’il devienne notre rédempteur, et ceux à qui vous avez ouvert les yeux « ont contemplé la gloire du Fils unique, plein de grâce et de vérité ».
Soyez loué, ô Dieu qui êtes vivant au delà de toute vie humaine. Vous vous êtes révélé à nous et je crois en votre parole. Je ne veux pas d’un Dieu à ma propre image qui m’enferme en ce monde, mais j’aspire à votre sainte réalité, et telle qu’elle se présente à moi, telle je veux l’accueillir. « Je crois, Seigneur, venez au secours de mon incrédulité. »
C’est ainsi que j’adresse ma prière au mystère de votre vie cachée : la communion qui est entre vous, ô Père, et vous, ô Fils, dans le silence inaccessible de l’éternité où « le Fils repose sur le sein du Père ». C’est là aussi qu’est ma demeure. « L’œil n’a jamais vu » sa lumière ; sa paix « n’a pénétré dans aucun cœur humain », mais le plus intime de moi-même crie vers elle. Faites que je n’oublie jamais le message qui en est venu. Amen.
Romano GUARDINI,
Prières, Bloud & Gay, 1952.
Traduit de l’allemand
par Jeanne Ancelet-Hustache.