La vraie relation de l’homme avec Dieu
Ô Dieu, vous avez créé l’homme et fondé merveilleusement sa nature. Vous avez voulu qu’il vive parmi les œuvres de votre sagesse, qu’il déploie ses forces en des rencontres toujours renouvelées avec elles et qu’il devienne maître de sa propre liberté. Mais les rapports avec les choses de ce monde doivent préparer à la rencontre avec vous. Vous êtes celui qui est ; vous êtes pour chacun de nous l’Autre suprême qui le comble seul. Nous sommes ordonnés à vous, et c’est en vous seulement que s’accomplit notre être ainsi que vous l’avez voulu.
Vous êtes la vérité qui donne sa caution à toute vérité finie. Vous êtes la sainteté qui rend intangible tout ce qui est bon. Vous êtes le cœur que nous cherchons : « Vous nous avez créés pour vous et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il trouve son repos en vous. »
Dans l’estime où vous me tenez, ô mon Dieu, est fondée ma dignité. C’est en votre honneur que repose mon honneur. Si je vous abandonne, je suis comme l’homme dont parle votre apôtre : « Il regarda dans le miroir et vit son visage ; puis il s’en alla et oublia qui il était. » Vous êtes le miroir saint dans lequel seulement je sois sûr de mon visage éternel et conscient de ma responsabilité. Lorsque je m’éloigne de vous, j’échappe à moi-même et les puissances de ce monde qui doivent me servir exercent leur emprise sur moi.
Faites que je vous demeure étroitement attaché. Rendez mon cœur incorruptible afin qu’il soit perspicace à l’égard de tout ce qui éloigne de vous. Et de même que l’instinct de défense s’éveille dès que la vie est menacée, faites que le fond de mon être se dresse contre tout ce qui veut me séparer de vous. Amen.
Romano GUARDINI,
Prières, Bloud & Gay, 1952.
Traduit de l’allemand
par Jeanne Ancelet-Hustache.