Le berceau
« Le berceau donne un monde à l’en-
fant qui s’éveille. »
ARNAULT.
Tu ne sais pas, petit, dans quel immense empire
Le souffle t’a jeté comme un verbe vivant,
Tu ne sais pas non plus pourquoi ton cœur soupire
Ni pourquoi tant de fronts se penchent si souvent.
Du fond de ton berceau, fiévreux dans tes flanelles,
Ton pur regard se borne aux yeux de ta maman ;
Son sourire amoureux, ses brillantes prunelles
Sont pour toi le soleil et tout le firmament.
Tel l’oiseau qui, surpris, regarde hors du gîte,
Dressant ta tête blonde au-dessus du berceau,
Devant tout ce qui brille et tout ce qui s’agite
Tes gestes diront mieux l’étonnement nouveau.
Tes pas te conduiront dans la grande nature,
Être mortel perdu dans cette immensité,
Tu t’en iras, joyeux, courir à l’aventure
Ne goûtant du présent que la sérénité.
Bientôt sonnera l’heure où ton intelligence
S’ouvrant à la clarté des célestes rayons
Découvrira de Dieu la bonté, la puissance,
Et du monde fini les vastes horizons.
Le désir de connaître entrera dans ton âme,
Jusque dans son mystère il la tourmentera ;
À la raison le cœur opposera sa flamme,
La lutte commencée, à la mort finira.
Tu connaîtras mieux l’homme en feuilletant l’histoire,
Sa nature, et son rang dans la création ;
T’u le verras gravir les degrés de la gloire,
Porté par son amour et son ambition.
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Quand tu seras tiré par d’invisibles chaînes
Vers de troublants sentiers promettant le bonheur,
Tu sentiras parfois que ces courses sont vaines
Et que ton cœur est fait pour un monde meilleur !
Jean-Louis GUAY, Moisson de vie, 1931.