Divinus Amor
– Que veux-tu ? Cette rose ? – Elle pâlit déjà.
– Ce lys ? – Il est fané. – Ce raisin qu’ombragea
Naguère un pampre roux sur les côteaux de Krète ?
– La guêpe l’a rongé. – Mon âme ? – Elle s’apprête,
À peine reposée, à fuir comme un oiseau.
– Prends cet harmonieux et consolant roseau
Qui frémira d’amour si ta lèvre le touche.
– Il se taira bientôt quand se taira la bouche.
– Ô Vierge, que veux-tu ? – Rien de fragile et vain.
– Vierge, un mal ignoré t’accable. – Un mal divin,
Pasteur ! – Sois jeune et belle. – Ô jeunesse éphémère
– Aime. – Est-ce pour jamais ? – Sois aimée ! – Ô chimère !
Laisse-moi savourer en mon cœur expirant
L’austère volupté d’aimer un Dieu souffrant.
A. de GUERNE, Les Siècles morts.
Recueilli dans Poètes du Nord 1880-1902 :
Morceaux choisis, par A.-M. Gossez, 1902.