Le monde est triste et vieux...

Le monde est triste et vieux, et les nouveaux venus

Pour qui le ciel est vain comme un mot inconnu

Ont recouché le Christ dans son sépulcre obscur.

Mais je veux, ô mon Dieu, malgré tout, croire en toi.

Prête-moi la candeur de la vierge et la foi

De l’enfant. Que je sois vigilant, bon et simple.

Accorde-moi sur tous les dons l’humilité,

Afin que j’offre au vent de ta volonté sainte

Le docile et profond émoi d’un champ de blé.

Permets-moi d’oublier qu’un soir des temps anciens

Le doute déborda du calice divin.

Enfin rends à mon cœur la jeunesse d’aimer ;

Que le grain germe encore dans ce jardin fermé !

Je cherche en égaré ta croix au carrefour,

Je t’appelle à travers la nature vivante ;

Il est temps de m’entendre, ô Dieu ! ne sois pas sourd,

Réconforte mon âme obscure, ta servante,

Car, pareille à l’abîme étoilé de l’amour,

L’immensité des cieux nocturnes m’épouvante.

Charles GUÉRIN, Le Cœur solitaire, 1898.

Recueilli dans Louis Chaigne,

L’anthologie de la renaissance catholique : Les poètes,

Alsatia, 1938.