Au désespéré

 

 

Il pendait au gibet, sous les yeux de sa Mère ;

À deux pas les bourreaux s’arrachaient ses habits,

Et les scribes, narguant sa puissance éphémère,

Se vengeaient des affronts qu’ils en avaient subis.

 

Lui, déchiré, sanglant, n’étant plus qu’une plaie.

Comme un corps qu’on aurait traîné sur une claie,

Des tortures de l’âme encor plus abîmé,

N’ayant aucun recours du côté de la terre,

Se tourna vers le ciel et le trouva fermé...

Et dans cet abandon total, affreux mystère,

Défaillant, Il cria de son cœur angoissé :

« Mon Dieu ! Mon Dieu ! pourquoi m’avez-vous délaissé ?

 

Ô frère que la vie a criblé de morsures,

Qui porte, dans ton sein un cœur longtemps meurtri.

Veux-tu d’une liqueur bonne pour tes blessures ?

Ouvre, et laisse couler : elle est là, dans ce cri...

 

 

 

Abbé GUILLEMAIN.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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