Fleurs des bois
Dans l’ombre épaisse et froide, au fond des bois, parmi
Les rameaux desséchés, les ronces et les mousses,
Il croît de pauvres fleurs aux nuances très douces,
Aux pétales craintifs entrouverts à demi ;
Ces fleurs que le soleil n’a jamais caressées,
Qui n’ont jamais puisé dans l’urne du matin,
N’ont qu’un parfum léger, mais subtil, et si fin
Qu’il apporte avec lui tout un vol de pensées.
Il fait songer aux chants mélodieux et purs
Qui s’élèvent, le soir, à la lueur des cierges,
Devant de blancs autels entourés par des vierges,
Dans les temples secrets des vieux cloîtres obscurs.
Il rappelle à l’esprit les amitiés lointaines,
Les amours d’autrefois et les morts bien-aimés,
Tous les chers souvenirs que le temps a calmés
Et couverts, peu à peu, de brumes incertaines.
Il fait songer surtout à ces cœurs délicats,
Confiants et remplis de tendresses divines,
Mais que la vie, hélas ! a couronnés d’épines
Et livrés, dès l’enfance, à l’horreur des combats.
Jules GUILLEBERT.
Paru dans L’Année des poètes en 1891.