Mon enfance
Ô mon enfance aux boucles blondes,
Mon enfance aux grands yeux rêveurs
De qui les liesses profondes
Suivaient les profondes ferveurs ;
Sur combien de livres d’images
T’es-tu penchée avec émoi ?
L’Oiseau Bleu n’avait de ramages
Que pour cet autre qui fut moi.
Ô mon enfance, mon enfance,
Qui secouais de lourds cheveux,
Tu bravais tout ce qui m’offense
D’un rejet de tête nerveux.
Qui peut admettre qu’on saccage
Le trésor des contes contés ?
Mon âme folle dans sa cage
Cherchait à fuir de tous côtés...
J’étais avide de miracles
Et je vivais hors du présent,
N’y réclamant que des spectacles
D’un irréalisme apaisant.
J’étais en exil chez les hommes
Et mon exil se prolongea...
Les enfants songeurs que nous sommes
Sont presque des enfants déjà !
Victime lasse et sans défense
D’un monde où je ne puis tenir,
Je vais retrouver mon enfance
Au jardin bleu du souvenir.
Mon enfance, je m’abandonne
Aux rites que tu célébras
Et je vois comme une madone
Ma mère qui me tend les bras...
Son tendre et souriant visage
Semble fixé par le Vinci,
Au milieu d’un clair paysage...
Ô mon enfance, me voici !
En remontant vers toi, j’avance
Sur le chemin de vérité
Car une immuable jouvence
Illumine l’Éternité.
Guillot de SAIX.
Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.