Un rêve

 

 

Elle eût pris quatorze ans quand ont fleuri les lis,

Ma douce Noémi dont le ciel fit un ange !

Heureuse près de Dieu d’un bonheur sans mélange,

Loin de ceux qu’elle aimait tous ses vœux sont remplis.

 

Et j’ai passé cinq ans sans l’avoir embrassée !

Elle que mes baisers cherchaient matin et soir ;

Je ne la vois jamais qu’en rêve et qu’en pensée,

Moi qui trouvais trop long un seul jour sans la voir !

 

Une nuit sur mon sein elle était revenue ;

Elle était grande et belle et ravissait mes yeux :

Son front avait gardé sa couleur ingénue,

Et son regard brillait de la splendeur des cieux.

 

Je me taisais : mon cœur avait trop à lui dire,

Et je la contemplais ; alors elle sourit,

D’un sourire aussi doux que son premier sourire,

Alors que, s’éveillant, son âme me comprit.

 

Noémi, parle, oh ! parle ; appelle-moi ta mère,

Lui dis-je en l’appelant d’un doux nom enfantin :

« C’est, dit-elle, un grand bien que vivre sur la terre,

« Pour servir le Seigneur et pour l’aimer sans fin ! »

 

Mon ange, encore un mot, un doux mot qui console.

Elle sourit encore et j’entendis sa voix ;

Mais je ne compris plus sa céleste parole ;

Et son doigt en fuyant me montrait une croix.

 

Mes pleurs se faisant jour rouvrirent ma paupière ;

Je m’éveillai disant encor son nom chéri :

Hélas ! voilà cinq ans qu’elle dort sous la pierre.

J’ai fermé ses beaux yeux quand les lis ont fleuri !

 

 

Louise GUINARD.

 

Recueilli dans Femmes-poètes de la France,

anthologie par H. Blanvalet, 1856.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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