Foi
Je me suis perdu moi-même.
Parfois je prends entre mes mains mes souvenirs avec tendresse, et je cherche longuement mon enfance, ma foi et ma force. Je les vois là-bas, derrière une infranchissable transparence d’années, montrant du doigt avec mépris mon égarement d’à présent, et j’admire leur constance de boussole.
Je me suis perdu moi-même alors que je me cherchais le plus profondément, comme si à force de vivre je fusse mort.
Je tends mes bras en avant, et tout est en avant. Comment savoir ?
J’attends.
Une voix plus grande me dira : Viens !
Et alors je m’avancerai avec la vue de mon front ouvert, à genoux, à travers un champ de blessures, portant dans ma gorge la gorgée de la victoire.
Et une trêve des souffrances précédera la faux de mon pas avec le salut unanime des blés devant la faucheuse.
Je me suis perdu moi-même, et j’attends.
*
Seigneur, je tends en haut mes bras.
L’homme souffre sa honte en ma chair.
Les paroles d’inimitié et de dénigrement me semblent dites en complicité avec moi-même.
La faute de chacun est celle de nous tous. Pourquoi ne pas en souffrir ? Il faut que j’apprenne :
La résistance aux douleurs dont ta main me charge ;
La sérénité invincible en face de ce qui m’outrage ;
Et, plutôt qu’à juger autrui, à me laver de mes propres impuretés.
Si j’élève mes mains vers la hauteur, ne considère pas la bassesse de mon geste.
Ricardo GÜIRALDES.
Traduit de l’espagnol par Valery LARBAUD.
Paru dans le Roseau d’or en 1928.