Le poète d’Assise
À M. l’Abbé Arthur Lacasse.
I
Dans l’humide clarté de l’aurore imprécise,
Respirant au jardin les prémices des fleurs,
Pour chasser de mon front les lugubres souleurs,
J’évoquai ton cantique, ô Poète d’Assise !
Les oiseaux, dans les pins, gazouillaient à l’été
Leur refrain qu’un vent tiède à travers la prairie
Portait comme un écho de quelque val d’Ombrie,
Conservant la splendeur d’un chant d’éternité.
Et j’entendais le bruit cristallin des fontaines,
Fusant dans le silence énamouré des bois ;
Et je croyais revoir le pauvre saint François,
Dans ses divins haillons, par les routes lointaines.
S’en allant, humble et doux, sous le bleu solennel
Des cieux italiens, escorté de mésanges,
Répétant le message harmonieux des anges,
Du séraphique accent de son cœur fraternel.
Je le retrouve encor, – quand l’angélus ramène
Les barques sur la rive, alors que le midi
Semble souffler du feu sur le fleuve engourdi, –
Dans son extase, au bord du lac de Trasimène.
Et pour mieux savourer le rythme originel
De l’Aède prêchant son lyrique Évangile
Aux vagabonds ailés des plaines de Virgile,
J’ai choisi l’amitié d’un Louis Le Cardonnel.
II
J’ai choisi de monter vers les sphères sublimes,
Où son Art se complaît dans un chant clair et pur,
Et de gonfler ma voix aux sources de l’azur,
Respectant la noblesse éternelle des rimes.
Car le Poète doit entraîner les humains
Loin des antres obscurs et plus haut que la terre !
Même s’il souffre et saigne à vivre solitaire,
Que sa lyre demeure un symbole en ses mains !
Ensemble nous irons puiser dans l’opulence
Des soirs environnés d’un calme franciscain,
Le thème éblouissant de quelque beau quatrain
Sonnant comme une cloche aux brises de Florence.
Glorifiant le ciel, le sol, les astres, l’eau
Et tout ce que Dieu fit pour l’humble créature,
Nous irons épancher notre âme en la nature,
Comme les frères du puissant Poverello !
Charles-E. HARPE,
Les oiseaux dans la brume, 1948.