À mes blés
– Grain de blé, grain de blé, nous te chanterons
des hymnes très douces, nous te dirons : « Ô salutaris
hostia » ! car tu empêches l’humanité de mourir
de la mort éternelle. Tu es plus précieux que la
manne du désert ; ceux qui te mangent, transsubstantiés
en la chair divine, vivront éternellement.
S. COUBE.
Blé de mes sillons dont le sombre flot
Croule, frissonnant, sur la lame austère.
Quand tu quitteras ce coin de ma terre,
Je voudrais savoir quel sera ton lot.......
Seras-tu le pain, qu’au soir du labeur,
Le souper venu, l’on mange en famille,
Sur la nappe blanche, où la lampe brille,
Au rude foyer du vieux laboureur ?
Seras-tu le pain du riche puissant,
Charitable, bon, méchant, ou superbe,
Qui ne connaît point ce qu’une humble gerbe
Coûte de labeur au sillon béant ?
Seras-tu le pain, le pain de la Faim,
Qui, près du foyer sans flamme, frissonne ;
Blé de mes sillons, seras-tu l’aumône
Au pauvre qui passe, en tendant la main ?
Seras-tu le pain, qu’au sombre cachot,
L’homme dans les fers mange dans la peine,
Dans le repentir, ou bien dans la haine ?
– Ah ! Dieu te réserve un destin plus beau !
Du faible, du fort, de l’humble et du grand,
Tu seras le pain divin de l’Hostie !
De mon Dieu vivant dans l’Eucharistie
Tu seras la Chair ! Tu seras le Sang !
ORMEAUX, 1er septembre 1920.
Note : – Portant la même dédicace, ce poème accompagnait,
en 1920, quelques épis de blé de la première récolte de l’auteur.
Joseph HARVEY, Les épis de blé, 1923.