Heure de souvenir
Voilà que tout cela est passé... Mon enfance n’est
plus ; elle est morte, pour ainsi dire, quoique je
vive encore.
Saint AUGUSTIN (Confessions)
Oh ! venez rafraîchir, d’un baume d’innocence,
Mon cœur, brûlant ce soir, mes souvenirs d’enfance !
Venez, tendres, touffus, parfumés et fleuris,
Vous que n’a point fanés, vous que n’a point flétris
Délicats liserons dont ma jeune âme est pleine,
Le souffle des méchants, le doute, ou bien, la peine !
Oui, j’ai besoin ce soir, mes souvenirs si doux,
De vous baiser, de vous bercer sur mes genoux,
En un geste câlin, en un geste de mère,
Car la vie est parfois cruelle et bien amère ;
J’ai besoin de sourire, et parfois, de crier,
De jouer, de courir, de chanter, de prier.......
Près de mon petit lit de jadis – de m’ébattre
En esprit, ô maman ! – et là, de sentir battre
Dans ma poitrine d’homme – ô rêve triomphant !
À coups précipités mon cœur vierge d’enfant !
Écrit en 1919.
Joseph HARVEY, Les épis de blé, 1923.