Patrie

 

 

                      Je n’ai pas refusé ma tâche sur la terre ;

                      Mon sillon ? le voilà – Ma gerbe ? la voici ?

                                                                      Victor HUGO.

 

 

Patrie ! ô nom si doux ! – Pour moi, tu te résumes

À ma terre, à mon lac, à mon chalet qui fume,

Vers la céleste voûte, ainsi qu’un encensoir !

 

Lorsque, las du labeur, dans l’air calme du soir,

En fumant mon « brûlot », sur mon seuil je prends place,

Je sens comme une main de mère qui m’enlace,

Et, sur mon front, comme un baiser très doux ! – Je sens,

Dans mes veines, couler à longs flots caressants,

La pourpre qui drapa le cœur de mes ancêtres !

Et mes yeux, sans effroi, les verraient apparaître.

Je leur dirais :

                          « Voyez mes mains ! voyez mon champ !

Je creuse, comme vous jadis, du soc tranchant,

Le sol qui me nourrit et qui vit ma naissance ;

Et quoique par-delà mille lieues de distance

Du Saint-Laurent, témoin sacré de vos labeurs,

Je reste Canadien-Français, d’âme et de cœur ! »

 

Je leur dirais cela, tendrement, face à face !

Pour les bien consoler des traîtres à la Race.

 

                                                                        2 août 1922.

 

 

Joseph HARVEY, Les épis de blé, 1923.

 

 

 

 

 

www.biblisem.net