L’hiver
Il faut qu’on ait au ciel bien de la neige à vendre,
Pour qu’on en voie encor tant de voitures pendre
Dans les nuages gris, quoique tout soit déjà
Couvert par celle dont il nous avantagea...
Tiens, cet homme... on dirait qu’il revient de l’emplette...
Il en a sur le dos une charge complète,
Et s’enfuit, en courant comme un écervelé...
Pourtant, tout ce qu’il porte, il ne l’a pas volé...
Quand le ciel se permet cet étrange manège,
Chaque espalier reprend sa perruque de neige,
Et se redresse avec, d’un air presque insultant,
Croyant que nul ne peut s’en procurer autant.
Neige ici, neige là, neige partout ; plus trace
De chemins ; et pourtant, sous la terre bien grasse,
Plus d’un beau grain se dit, paisible et satisfait :
– Pâque fleuri viendra, malgré le temps qu’il fait... –
Plus d’un oiseau charmant, dès que l’hiver approche,
Ira vite se cacher dans les vieux trous de roche,
Et laisse le bon Dieu faire ce qu’il voudra,
Bien sûr aussi qu’enfin Pâque fleuri viendra.
Puis quand, au mois d’avril, les folles hirondelles
S’en viennent retrouver leurs nids à grand bruit d’ailes,
Tout jette alors bien loin son linceul détesté,
Et la vie en bourgeons surgit de tout côté...
Tiens, petit... ce moineau tout frileux m’inquiète
Car voilà bien des jours qu’on le met à la diète...
Ah ! nous ne sommes pins au temps de la moisson,
Tu t’en aperçois bien, n’est-ce pas mon garçon ?
Tiens, tiens, régale-toi ; mais à tes frères pense
Pour demain, car je veux, en garnissant leur panse,
Te prouver que l’on trouve encor de bonnes gens,
Et que Dieu prend pitié des moineaux indigents.
Jean-Pierre HEBEL.
Traduit de l’allemand par Max Buchon.
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