Soir d’été
Oh ! comme le soleil est las de sa tournée.
Comme il sue ! On dirait, quand elle est terminée,
Qu’il s’essuie, en faisant d’un nuage un mouchoir,
Avant de se laisser derrière les monts choir...
Il est vrai qu’en été sa tâche est longue et dure ;
Car enfin il n’est pas un seul brin de verdure
Qui n’implore chaleur et lumière de lui,
Sitôt qu’à l’orient ses premiers feux ont lui.
Combien de fleurs, combien d’abeilles turbulentes
N’a-t-il pas enrichi de faveurs opulentes,
En leur disant : – Cela vous suffit-il ainsi ? –
Le moindre scarabée en a sa part aussi.
Les plantes laissent voir, au fond de leurs calices,
Ces grains dont les oiseaux du ciel font leurs délices,
Et pendant tout le jour leur gésier se remplit,
Et pas un n’aura faim pour se remettre au lit.
Aux cerises de juin dont chacun d’eux se joue,
C’est le soleil qui met du rouge sur la joue ;
C’est lui qui fait pousser la vigne et les épis,
Dans ces champs qu’on prendrait pour de moelleux tapis.
Il eut même aujourd’hui l’honneur de satisfaire
Notre vieux buandier, par son beau savoir-faire ;
Car son linge, sorti de la cuve plein d’eau,
Se séchait presque, avant d’être sur le cordeau !
Tout le jour, grâce à lui, par immenses volées,
La faux a pu s’ébattre au large des vallées,
Et l’herbe du matin, sur le pré mis à nu,
Se trouva du vrai foin quand le soir fut venu.
Voilà d’où lui provient cette mine touchante ;
Il n’aura pas besoin pour dormir qu’on le chante...
Tenez... sur la montagne il est allé s’asseoir
Pour nous mieux souhaiter depuis là le bonsoir.
Le voilà disparu ! Que le bon Dieu le garde...
Du haut de son clocher, tiens... le coq le regarde
Toujours d’un air moqueur... Gageons qu’à l’effronté
II va tirer bientôt son rideau moucheté.
En ménage, il n’est pas très heureux, ce me semble,
Car son épouse et lui ne vont jamais ensemble,
Monsieur prend son chapeau quand madame paraît ;
Tenez, voyez plutôt..., derrière la forêt...
La voici... – Belle lune, oh ! viens donc ! Qui t’arrête ?
Je suis bien sûr qu’il dort déjà dans sa chambrette ;
Mais viens donc ! – La voilà qui regarde un instant
La vallée, et sourit contre nous en montant.
Pour nous qui n’avons point d’ambition méchante,
Nous n’aurons pas besoin non plus que l’on nous chante ;
Nous avons assez fait de bon foin, Dieu merci,
Tant qu’a duré le jour, pour bien dormir aussi.
Jean-Pierre HEBEL.
Traduit de l’allemand par Max Buchon.