Amour
Amour m’ouvrit les bras : pourtant mon âme a reculé
Couverte de poussière et de péchés.
Mais Amour au vif regard me voyant ralentir
De plus en plus, sitôt le seuil passé,
S’en vint à moi et tendrement me demanda
Si quelque chose me manquait.
« Un hôte, dis-je, qui soit digne de ce lieu. »
Or, dit Amour : « Ce sera toi. »
« Moi ? le sans-cœur ? le très-ingrat ? Ah doux Ami,
Je ne puis pas Te regarder. »
Amour, en souriant, prit ma main et me dit :
« Qui donc fit tes yeux sinon Moi ? »
« C’est vrai, Seigneur, mais je les ai souillés : que ma honte
S’en aille où elle l’a mérité. »
« Ne sais-tu pas, dit Amour, Qui a porté la faute ? »
« Doux Ami, alors je veux servir. »
« Il faut t’asseoir, dit Amour, et goûter Ma nourriture. »
Aussi j’ai pris place et mangé.
G. HERBERT.
Traduction de Jean Mambrino.
Recueilli dans Cinq mille ans de prière,
textes choisis et présentés par Dom Pierre Miquel,
Desclée De Brouwer, 1989.