La mort
Messagère de paix qui ouvres au pèlerin
Fatigué de la terre, oh mort, le paradis,
Quand me guideras-tu de ton caducée d’or
Vers le ciel, jusqu’à mon pays ?
Ô bulle vide, vie, ne tarde de t’enfuir,
Tu ne m’as donné que peu d’heures souriantes
Et beaucoup à pleurer, mère de mon tourment,
Voici ce que tu fus, depuis que le bourgeon
De l’enfance a fleuri. Ô mort, cueille-la, cette fleur
Obscure, et toi, poussière de mes os, retombe
Sur la terre, sur ta mère, retombe
En la fratrie des lombrics emmêlés.
Les anges tressent à l’esprit la parure de palmes
Des vainqueurs. Ô mes amis, ne me rappelez pas
Sur la mer où les épaves, où les monceaux
D’épaves entassées ont recouvert la rive.
Nous allons nous revoir, mes chers, nous enlacer
Comme s’enlacent des anges, nimbés de lumière,
Au pied du trône de Dieu ; et nous nous aimerons
Comme s’aiment les anges, des éternités.
Mes amis, quand je serai mort, accrochez
La petite harpe derrière l’autel, à l’endroit où
Scintillent sur le mur les couronnes funèbres
De maintes jeunes filles emportées par la mort.
Ainsi le bedeau gentiment montrera la petite harpe
Au voyageur et fera crisser le ruban rouge
Bien attaché à l’instrument
Qui bat sous les cordes dorées.
Ludwig Christoph Heinrich HÖLTY.
Recueilli dans Anthologie bilingue
de la poésie allemande,
Gallimard, 1993.