Élégie
SUR LA MORT DE Mlle MARIE D......
Elle était de ce monde où les plus belles choses
Ont un pire destin,
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.
« Je reconnais un Dieu dans tout ce qui respire
» Ou succombe ici bas,
» Et son souffle divin m’encourage et m’inspire
» À l’heure du trépas.
» Brillant de mille feux le temple de la vie
» Allait pour moi s’ouvrir.
» Cette douce espérance aujourd’hui m’est ravie
» Hélas, je dois mourir !
» Un jour de sa grandeur Dieu m’avait donné l’être,
» Il me l’ôte aujourd’hui.
» Adieu mes chères sœurs : comme à mon plus grand maître
» Je me soumets à lui... »
Ainsi parlait Marie aux portes de la tombe ;
Et moi j’étais là, seul,
Seul, à genoux, brisé, priant pour la colombe
Qu’attendait le linceul.
Hier, elle régnait dans le jardin du monde
Entre les belles fleurs.
Sur le bien, sur le mal, l’aveugle aquilon gronde.
Coulez pour elle, ô pleurs !
Ah ! si de l’Éternel la couronne réclame
Une perle de plus,
Que sa main l’ait choisie et place sa jeune âme
Au nombre des élus !
Émile HORNEZ.
Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1861.