Jour de pluie
Des cieux gris tombe, lente, une éternelle pluie ;
Et je pense à ces pleurs que nulle main n’essuie ;
Il a plu sans cesser de l’aube jusqu’au soir.
Je pense aux mornes jours écoulés sans espoir !
Et la vaste campagne est inerte et s’ennuie ;
Je pense aux corps vivants dont l’âme s’est enfuie ;
Le vent gémit tremblant sur l’affreux rameau noir ;
Et je pense aux foyers où nul ne vient s’asseoir !
Mais j’entends le rabot, paisible et monotone,
Puis une voix d’enfant fraîche, limpide, entonne
Un cantique ; et le ciel s’entrouvre à son doux vœu ;
Cette voix du travail, ce chant de l’innocence
Apaisent un moment ma profonde souffrance,
Car ils me font penser à la bonté de Dieu.
E. HOUARD, Une âme,
poésies posthumes : dernières pensées, 1891.