Un malheur
Savez-vous ce que c’est qu’un malheur solitaire ?
Un malheur qui s’isole et ne peut pas pleurer,
Qui ronge lentement, lentement l’âme austère
Sans la faire mourir, pour mieux la déchirer ?
Un malheur dont on rit, un malheur qu’on accuse,
Et pourtant un malheur qui se sent juste et grand ;
À croire à ce malheur le monde se refuse :
Dieu seul peut le sonder d’un regard pénétrant !
Oh ! riez et passez, troupe folle et légère,
Le cœur qui sait souffrir repousse le mépris ;
Mais il s’ouvre au pardon, il s’ouvre à la prière,
Il sait que de Dieu seul il peut être compris !
E. HOUARD, Une âme,
poésies posthumes : dernières pensées, 1891.