L’alcôve

 

 

L’humble chambre a l’air de sourire ;

Un bouquet orne un vieux bahut ;

Cet intérieur ferait dire

Aux prêtres : paix ! Aux femmes : chut !

 

Au fond une alcôve se creuse.

Personne. On n’entre ni ne sort.

Surveillance mystérieuse !

L’aube regarde: un enfant dort.

 

Une petite en ce coin sombre

Était là dans un berceau blanc,

Ayant je ne sais quoi dans l’ombre

De confiant et de tremblant.

 

Elle étreignait dans sa main calme

Un grelot d’argent qui penchait ;

L’innocence au ciel tient la palme

Et sur la terre le hochet.

 

Comme elle sommeille ! Elle ignore

Le bien, le mal, le cœur, les sens.

Son rêve est un sentier d’aurore

Dont les anges sont les passants.

 

Son bras, par instants, sans secousse,

Se déplace, charmant et pur ;

Sa respiration est douce

Comme une mouche dans l’azur.

 

Le regard de l’aube la couvre ;

Rien n’est auguste et triomphant

Comme cet œil de Dieu qui s’ouvre

Sur les yeux fermés de l’enfant.

 

                                           3 juillet 1859.

 

 

 

Victor HUGO, Chansons des rues et des bois.

 

 

 

 

 

 

 

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